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La Grèce, nouveau pont entre l’Europe et la Russie ?

Publié le par Daniel Sario

PHOTO POOL / REUTERS
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En visite à Moscou depuis mardi soir, le premier ministre grec Alexis Tsipras a réussi à rouvrir le dialogue rompu avec la Russie depuis les sanctions de l’Union européenne à l’égard de Moscou dans le cadre de la crise ukrainienne. Sans se mettre à dos ses partenaires européens… a priori. Stéphane Aubouard


Rarement la visite d’un chef d’Etat européen au Kremlin aura suscité autant d’angoisses à Bruxelles que celle entamée mardi soir par Alexis Tsipras. Le fait est que la visite du Premier ministre grec à Moscou en pleine semaine pascale orthodoxe (confession dominante en Grèce et en Russie) et la possible résurrection des relations russo-hellènes (inexistantes depuis presque cinq ans) sur le plan économique et diplomatique rendent nerveux certains dirigeants européens. Dossier ukrainien oblige. « Jusqu'à présent, nous avons tous été unis et nous espérons que nous resterons unis », a fébrilement rappelé la porte-parole de la Commission européenne Margaritis Schinas. Déjà le week-end dernier, le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, avait demandé au chef de l’exécutif grec dans le journal allemand Hannoversche Allgemeine Zeitung, « de ne pas mécontenter ses partenaires européens pour ne pas risquer de rompre l'unanimité de l'Union européenne vis à vis de la Russie. »

Alexis Tsipras a répondu de manière ferme mais diplomate : « L'objectif de cette visite, c'est que nous prenions un nouveau départ dans nos relations, dans la recherche de la paix et de la sécurité en Europe », déclarait-il en préambule à cette rencontre mardi soir. Quelques heures plus tard, au sortir de son entrevue avec Vladimir Poutine, le premier ministre grec a cependant réaffirmé son propre point de vue : « Pour résoudre cette crise profonde (en Ukraine), il faut abandonner le cercle vicieux des sanctions envers la Russie », a-t-il déclaré aux côtés du chef du Kremlin lors d'une conférence de presse retransmise à la télévision russe, ajoutant que la mise en oeuvre des accords de paix de Minsk restait « la clé » de cette résolution. Une position qui fait écho à celle tenue par son gouvernement dans le cadre des négociations sur le remboursement de la dette, alors même que des points de blocage subsistent entre la Grèce et ses créanciers (Union européenne et Fonds monétaire international) en vue du déblocage d'une tranche d'aide financière.

Or l’autre frayeur des Européens, c’est le spectre d’une aide financière russe à la Grèce. Une peur que le ministre des Finances hellène, Yanis Varoufakis, a tenu à dissiper en répétant depuis les Etats-Unis où il était en visite, que la crise grecque devait « se résoudre dans le cadre de la famille européenne ». Le chef du Kremlin l’a d’ailleurs confirmée. « La Grèce ne nous a pas adressé de demande d'aide financière. Il n'est d’ailleurs pas question d'aide mais de coopération, y compris dans le domaine financier, en lien avec de grands projets concrets », a-t-il précisé. Le président russe a insisté sur la reprise des relations économiques entre les deux pays, dont les échanges ont diminué quasiment de moitié en 2014. « Nous devons analyser ce que nous pourrions faire ensemble pour rétablir ces échanges », a expliqué le président russe, évoquant la possibilité pour Moscou de participer à des prises de participations dans des entreprises en Grèce et y investir dans des projets d'infrastructure.

Vladimir Poutine a notamment évoqué une participation d’Athènes au projet de gazoduc Turkish Stream entre la Russie et le Turquie, qui pourrait servir de base à des livraisons de gaz russe vers le sud de l'Europe, tout en reconnaissant qu'aucun accord ferme n'avait été conclu.
Il a souligné qu'un tel projet rapporterait non seulement à Athènes « des centaines de millions d'euros » en transit de gaz russe, mais renforcerait « le statut géopolitique de la Grèce, qui deviendrait un important pays de transit pour tout le Sud de l'Europe, peut être même l'Europe Centrale ». La Russie pourrait également proposer à Athènes un rabais sur le prix du gaz qu'elle lui vend. De son côté, Alexis Tsipras a indiqué que son gouvernement souhaitait étudier des initiatives en vue d'investissements pour la construction de ce gazoduc.

Par ailleurs le ministre russe de l'Economie, Alexeï Oulioukaïev a évoqué la possibilité d'assouplir - pour la seule Grèce - l'embargo alimentaire décidé l'été dernier contre l'Union européenne en raison de la crise ukrainienne. Ce qui ne devrait guère plaire à Bruxelles. Mardi, la Commission européenne avait rappelé à Athènes que la politique commerciale était «une compétence exclusive de l'Union européenne». « Nous attendons des Etats membres (...) qu'ils parlent d'une seule voix à nos partenaires commerciaux, y compris la Russie », avait alors précisé Daniel Rosario, porte-parole de la Commission en charge des dossiers liés au commerce.

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