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Les échecs de la loi de modernisation de l'économie

Publié le par Daniel Sario


Christine Lagarde n'a pas de quoi pavoiser, la loi de modernisation de l'économie est un échec.

Votée en août 2008 et pleinement opérationnelle depuis le 1er janvier 2009, la LME (Loi de modernisation de l'économie) est censée "réformer en profondeur les structures de l'économie française". Delais de paiement, statut d'auto-entrepreneur, soldes flottants, négociations des tarifs entre producteurs et distributeurs, ouverture du Livret A : les échecs sont plus nombreux que les succès, n'en déplaise au satisfecit  que vient de s'adresser la ministre de l'économie, Christine Lagarde. Bilan.

Christine Lagarde a dressé aujourd'hui un premier bilan de l'application de la loi de modernisation de l'économie (LME), adoptée par le Parlement le 4 août 2008 et pleinement opérationnelle depuis le 1er janvier 2009. Cette loi a pour objectif de "lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix". La ministre de l'économie a vanté la LME  ce qui ne l'a pas empêché d'indiquer qu'elle n'était pas "en mesure de chiffrer l'impact (de la LME) en termes de progression du produit intérieur brut". En cause, les prévisions "totalement bouleversées par la crise économique". Une analyse des principaux engagements de cette loi suffit à se montrer très dubitatif.
Réduction des délais de paiement entre professionnels. Christine Lagarde prétend qu'ils ont été "réduits en moyenne de dix jours". En fait, cette mesure, saluée tant par la majorité que par l'opposition au moment de son vote, a été, depuis, vidée de son sens par les négociations collectives : pas moins de 34 accords dérogatoires aux délais de paiement ont été signés et validés par la DGCCRF (Direction générale du contrôle du commerce et de la répression des fraudes) depuis un an dans des secteurs tels que le jouet, le bâtiment, la quincaillerie, les disques, le textile, l'habillement, etc.
En outre, selon une enquête publiée récemment par la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA), plus d'un dirigeant de TPE (Très petites entreprises) sur deux exige un délai de règlement inférieur à 30 jours dans les conditions générales de vente qu'il impose à ses clients professionnels. D'où probablement, le manque relatif d'intérêt suscité par le nouveau texte dans les TPE. Pragmatisme commercial oblige, la majorité des TPE (61,3%) reconnaissent ne pas appliquer systématiquement de pénalités aux mauvais payeurs.
Négociabilité des tarifs entre distributeurs et fournisseurs. C'est l'échec le plus flagrant de la LME. depuis un an, ce volet distribution est vivement critiqué par les agriculteurs et les industriels qui dénoncent des abus sur les marges de la grande distribution. Pour calmer leur colère, Bercy a mis en place mi juin six groupes de travail et installé au sein de la DGCCRF une brigade de contrôle de la LME, chargée de dénoncer les pratiques déloyales dans le secteur. C'est le cas pour les prix des produits laitiers comme viennent de le signaler deux études publiées aujourd'hui (mercredi). Ainsi, les marges des industriels pour le lait UHT sont passés à 52,1% du prix payé par le consommateur au deuxième trimestre 2009, contre 41,6% début 2008. et 34,1% début 2005. Pour les distributeurs la part des marges dans le prix de détail du lait est passée à 17,1% au deuxième trimestre 2009, contre 12,8% en 2008. C'est la crise pour les producteurs de lait et les consommateurs mais certains font leur beurre, avec ou sans LME. Mais, bizarrement, la ministre de l'économie ne s'est pas éternisée sur cette question.
Instauration de soldes flottants. Les commerçants ne font pas le même diagnostic que Mme Lagarde. Ils dressent un bilan noir des soldes d'été 2009 qui se sont achevés mardi 28 juillet. Pour la première fois, le chiffre d'affaires réalisé pendant les cinq semaines de soldes est en recul d'une année sur l'autre, de l'ordre de -3 à -5%. Pour la plupart des professionnels, la raison majeure de cet échec est le mécanisme des soldes flottants qui ont détruit le caractère évènementiel des soldes. La LME a également libéralisé les opérations de déstockage. Résultat ? Avec la multiplication des promotions, les consommateurs ne connaissent plus le juste prix des vêtements.
Généralisation du Livret A à toutes les banques. Après une collecte historique de 18,8 milliards en janvier, directement liée à l'ouverture de la distribution du Livret A à l'ensemble des réseaux bancaires, les sommes versées sur ce livret n'ont cessé de diminuer. Au mois de juin, les montants retirés du Livret A et du Livret de développement durable (LDD) étaient plus importants que les dépôts effectués, la décollecte s'étant établi à -1,9 milliard d'euros. Ces deux placements avaient déjà connu un cumul négatif au mois de mai lorsque le taux de rémunération du livret A (sur lequel est calqué celui du LDD) avait été ramené de 2,5% à 1,75%. Avec le nouveau taux de 1,25% applicable au 1er août, il est légitime de penser que le mouvement risque de s'accélérer. Donc, un nouveau fiasco.
Création du statut d'auto-entrepreneur. 182 000 inscriptions d'auto-entrepreneurs ont été enregistrées ce qui ravi bien entendu la ministre de l'économie et l'inventeur de ce dispositif, le très libéral secrétaire d'Etat aux Petites et moyennes entreprises, Hervé Novelli. Mais, sérieusement, mis à part ces destructeurs du Code du travail et de la protection sociale des salariés, qui peut se réjouir de cette explosion de la demande du statut d'auto-entrepreneur . Celle-ci est d'ailleurs largement le produit des licenciements mais aussi des pressions et du stress  insupportables que connaissent les salariés dans les entreprises. Alors, là aussi, on ne peut voir dans le cocorico de Christine Lagarde et Hervé Novelli que le chant du coq faisant diversion en se voyant les pattes prises dans le fumier.

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