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Les aveux d'un croisé

Publié le par PcfBalaruc

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Anders Behring Breivik a commis ses deux attentats, vendredi en Norvège, pour propager ses idées de haine et promouvoir une lutte continentale contre l'islam. Par Gaël De Santis

 

 

Anders Behring Breivik comparaissait hier au tribunal d'Oslo. A huit-clos, heureusement. car l'auteur de la tuerie sur l'île d'Utoya et de l'attentat à la bombe devant les bureaux du premier ministre à Oslo voulait une audition publique, dans le but de transformer celle-ci en tribune de propagande. Car ses agissements meurtriers qui ont fait 76 morts vendredi étaient une profession de foi, un acte pour faire connaître ses idées. Celles d'un homme qui semble s'être nourri de littérature d'extrême droite. Si la veille il semblait encore avoir agi seul, lors de l'audience, l'acuusé a déclaré qu'il "y avait deux autres cellules" dans son organisation.

Selon ses propres dires, le jeune homme seul et introverti de trente-deux ans aurait consacré neuf ans à la rédaction de son précis de terrorisme, un pensum de 1518 pages disponible maintenant sur le Net. La rédaction de ce manuel de l'horreur lui aurait coûté, précise-t-il, 317.000euros. Dans ce texte, 2083 - Une déclaration européenne d'indépendance, il décrit comment il faut s'y prendre pour bouter les musulmans hors d'Europe avant 2083, 400è anniversaire de la bataille de Vienne, quand l'armée ottomane battit les troupes chrétiennes.

Breivik puise dans les écrits d'un blogueur anonyme norvégien, Fjordman, du site Gates of Vienna. Chez les hommes politiques, il cite Geert Wilders, qui a repris les rênes du Parti de la liberté aux Pays-Bas et qui a engrangé de bons résultats électoraux. Il dit aussi son admiration pour l'English Defense League, qui a organisé plusieurs manifestations anti-islam. Ces sourcesont pris leurs distances avec des actes qui ne correspondent pas à leur manière d'agir. Pour autant, l'une d'elles, le site Brussels Journal, se défendait hier : "S'il y avait un véritable contre-pouvoir, symbolique et spirituel, qui permette un débat critique sur le rôle de l'islam dans le monde sans être accusé de racisme, peut-être cet actevil et inexcusable aurait-il pris une autre forme ?".

 

Comme les rédacteurs des textes qui l'ont inspiré, Breivik est animé par une haine de l'islam. Cette "déclaration d'indépendance" constitue un véritable manuel de formation anti-islam. Il confond cette réligion tantôt avec une culture, tantôt avec les Etats à population musulmane. Ce texte détaille en quoi les "réalisations de la civilisation islamique" seraient "plutôt modestes" au cours de ses 1300 ans d'histoire. le massacre des Arméniens par le gouvernement laïc turc en 1915 est attribué à l'islam, tout comme la délinquance d'aujourd'hui. Le "nouveau djihad" prendrait deux formes: l'immigration et une guerre démographique.

Le deuxième cheval de bataille de Breivi, celui contre le "multiculturalisme", qu'il appelle aussi "marxisme culturel", explique pourquoi il s'en est pris à des Norvégiens et non à des musulmans. Il retrace alors l'histoire de l'école de Franfort qui lie les travaux de Marx à ceux de Freud et dont les théses domineraient maintenant les élites, fixant la norme du "politiquement correct". Il croit également que cette capitulation face à l'islam s'incarne dans la politique pro-arabe de De Gaulle après la colonisation, et maintenant dans la construction d'un espace "euro-arabe". Si l'homme a tiré sur les jeunes travaillistes, vendredi soir sur l'île d'Utoya, c'est selon ses dires lors de l'audience d'hier, pour mettre fin au recrutement d'un part qui favorise la venue de musulmans en Norvège.

Jusqu'ici, le terrorisme européen d'extrême droite s'inscrivait dans la filiation néonazie ou fasciste. ce n'est pas le cas de Breivik. "Il s'inscrit plutôt dans la nouvelle mouvance anti-islam de Geert Wilders", disait hier, dans l'Humanité, Jonathan Leman, de l'observatoire suédois de l'extrême droite. Dans son écrit, Breivik range le nazisme au rang des idéologies totalitaires et repossantes. Il invite les partis nationalistes à étudier le "modèle norvégien" à savoir le Parti populiste dont il a été membre jusqu'en 2006. Il ne tient pas "un discours raciste", il appuie sur "d'autres thèmes" comme un discours antifiscal et utilise une "réthorique moderne" fondée sur la culture et non la race, comme le font encore les formations héritières du fascisme.

Le projet affiché dans ce manifeste est d'édifier une société monoculturelle, conservatrice et patriarcale, telle qu'étaient la Norvège des années 1950, ou la Corée ou le Japon d'aujourd'hui, pays où résident peu d'immigrés.  La dernière parte de son texte est un fatras où il appelle à la reconstitution d'un ordre des templiers, et qui constitue un véritable manuel d'insurrecrion qu'il appelle à traduire d'urgence en Français ou en espagnol. Dans son délire, l'homme estime qu'il est possible de rassembler dans un mouvement de résistance européen de "croisés" 13 millions de personnes et désigne les premières cibles à atteindre, en les tuant ou les blessant : hommes politiques, journalistes, responsables d'industries. 400000 traîtres, dont 65650 en France, croit-il. Il dresse aussi une liste d'infrastructures et d'entreprises à atteindre.

Il faut espérer qu'à l'heure d'Internet ce texte nauséabond ne rencontre jamais le même écho chez des individus ou des groupuscules d'extrême droite que le Manifeste de la nouvelle droite qui irrigue depuis vingt ans la pensée des formations populistes européennes et d'une partie de la droite de gouvernement.

 

Réactions.

Il n'y a pas que le MRAP et les communistes qui établissent un lien entre les actes criminels  revendiqués par Anders Behring Breivik et la propagande islamophobe de l'extrême droite et de la droite populiste en Europe. Ainsi, le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, a jugé que les évènements survenus en Norvège appelaient "une réponse politique" concertée de l'Union européenne "pour contrecarrer la montée des idées d'extrême droite".
Cette préoccupation politique est partagée par la presse européenne. Dans un article intitulé "L'extrême droite menace l'Europe", le quotidien espagnol El Pais dénonce "l'extrémisme politique, teinté de nationalisme et de xénophobie, qui a cessé d'être un tabou puisque des personnalités politiques aussi respectables que Nicolas Sarkozy, Angela Merkel ou David Cameron ont défendu tous trois l'idée que le multiculturalisme avait été un échec dans leur pays".
Le journal britannique The Guardian publie également un article intitulé "La tragédie norvégienne doit forcer l'Europe à agir sur l'extrémisme politique". Le journaliste insiste sur le fait que "tout comme les attentats du 11-Septembre ou du métro londonien, la folie commise par Anders Behring Breivik a une explication clinique mais aussi politique."  Quant à l'éditorialiste du Daily Mail, Melanie Philipps, elle résume ainsi sa réflexion : "Breivik est peut-être un psychopathe déséquilibré, mais ce qui émerge maintenant de cet acte atroce, c'est le délire d'une culture occidentale qui a perdu la raison." 

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