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Recherche universitaire : de la grogne à l'action

Publié le par PcfBalaruc


Assemblée dans un amphi

  La colère monte dans les universités où les enseignants-chercheurs voient leur statut menacé par un décret d'application de la loi sur l'autonomie des universités (loi LRU) qui repose sur une conception rentable de la recherche. Hier, une journée d'action a débouché sur un mot d'ordre de grève illimitée. Une coordination nationale a appelé à manifester les 5 et 10 février, tandis que l'Unef appelle les étudiants à rejoindre cette mobilisation.
Jean-Marc Douillard, chercheur au Cnrs à l'Université Montpellier 2 et membre du bureau national du syndicat national des chercheurs scientifiques (Sncs-Fsu) donne son point de vue sur la situation de l'université. Entretien réalisé par Daniel Sario

La colère dans les universités ne date pas d'aujourd'hui?
En effet. Depuis que la droite "centralisatrice" est revenue au pouvoir en 2002, de nombreux mouvements ont eu lieu dans les universités et les centres de recherche. Les plus marquants auront été le mouvement de "Sauvons la recherche" en 2004 et le baroud anti LRU en 2000. Le mouvement actuel s'inscrit dans cette continuité puisqu'il correspond à une prise de conscience par les chercheurs-enseignants de nouvelles conséquences néfastes des choix gouvernementaux de Villepin puis de Sarkozy.
Ces choix, on pourrait les résumer comment?
Premièrement, "on ne mettra pas beaucoup d'argent dans le système universitaire". Deuxièmement, "l'université ne doit plus être répartie également sur le territoire national". Troisièmement, " l'université ne doit plus perdre de temps à faire passer des diplomes d'enseignants". Quatrièmement, "l'université doit aller chercher des financements dans le monde industriel" et cinquièmement "l'université doit se consacrer à la recherche industrielle".
Quelles sont les conséquences?
Un enseignant de supérieur à Nîmes ne pèse plus le même poids qu'un enseignant du supérieur à Lyon. Un étudiant aura intérêt à soigneusement choisir son université. Les villes ou régions qui veulent rester en course, par rapport au monde industriel, et par rapport au flux des étudiants, ont intérêt à mettre la main au portefeuille. Et puis, il y a la conséquence globale : la France est relégué au 16ème rang mondial, d'après l'Ocde, alors qu'elle occupe la 6ème place partout ailleurs.
Pourquoi ces choix ont-ils plus ou moins été acceptés ou intégrés par certains partis politiques, par les citoyens ou par les travailleurs de l'université?
D'abord, parce que le niveau du mensonge a été astronomique. Ainsi, la plus récente opération de financement des universités a été annoncée à 3,5 milliards d'euros. Lors du débat sénatorial en décembre, à la question posée par un sénateur communiste, le ministre a été obligée de concéder qu'on verrait peut-être 150 millions en 2009. Ensuite parce que la nation n'a pas encore pris conscience de l'effort d'anti-décentralisation de la droite. Et pourtant, le schéma universitaire est clair : Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg, Toulouse, Grenoble et, peut-être, Montpellier. Ailleurs, l'université va retourner à un enseignement de type lycée. Et puis, il y a le mensonge du mythe américain sur la recherche.
Ca prend?
Bien sûr! Le ministère a fait miroiter une nouvelle université qui ressemblerait à celle des Etats-Unis, qui fait rêver même certains progressistes. On fait même remarquer qu'Obama sort de là. C'est un leurre mais nombre de collègues se sont dit que cela valait la peine d'essayer. Ils se sont laissés tenter par le nouveau managériat des universités, en gestation actuellement. Ils ont cru aux promesses de "nouveaux pouvoirs" au service de la qualité de recrutement des enseignants. Ils ont cru à la possibilité de créer de nouvelles échelles de salaires pour attirer des nobélisables. Ils ont cru que l'Etat rénoverait leurs locaux tout pourris.
Et maintenant, c'est la désillusion?
La recherche non industrielle est financièrement exsangue, les locaux sont à l'abandon -hormis dans quelques facs parisiennes-, les IUFM ferment, les régions vont devoir tout payer, les enseignants-chercheurs vont dépendre pour leur carrière de dirigeants d'universités et du choix de leur sujet de recherche. Ceci explique la grogne. Nous n'en sommes pas encore à la conjonction générale des désillusions mais ça vient.
                               


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