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Sarkozy veut mettre la justice au pas avec la suppression du juge d'instruction

Publié le par Laurent Mouloud

Inquiétude, colère et rejet chez les magistrats après le dépôt du rapport Léger sur la suppression

du juge d'instruction, entre les mains de Nicolas Sarkozy.


"Une menace pour l'indépendance de la justice et l'égalité des justiciables" pour André Vallini, le président de la commission Outreau, une "mise au pas de la justice" pour le juge Renaud Van Ruymbeke, "le premier acte d'une OPA de l'exécutif  sur la justice pénale" pour l'ancien garde des Sceaux Robert Badinter et "une régresion démocratique" pour Christophe Régnard le président de l'Union syndicale des magistrats. Le rapport Léger qui a été remis ce matin à Nicolas sarkozy suscite craintes, colère et rejet dans le monde juridique.

Nicolas Sarkozy a reçu aujourd'hui les conclusions du rapport Léger sur la réforme de la procédure pénale. Et, sans surprise, cette sympathique assemblée, installée voilà près d'un an et composée de nombreux soutiens au président de la République -dont son propre avocat, Thierry Herzog-, va proposer de supprimer le juge d'instruction. "Il cumule les fonctions d'un juge avec celles d'un enquêteur. En d'autres termes, il n'est pas totalement juge et pas totalement enquêteur", explique le rapport qui préconise comme l'a souhaité le chef de l'état en janvier dernier, de confier les pouvoirs d'enquête aux magistrats du parquet, hiérarchiquement subordonnés au ministre de la justice.

Eventées dans la presse depuis samedi, les réflexions du comité Léger ont aussitôt provoqué un tollé. "C'est la phase ultime de la reprise en main de la justice par le pouvoir politique !" peste Christophe Régnard, le président de l'Union syndicale des magistrats (USM), qui dénonce une véritable "régression démocratique". Pour le moins. Chargé d'instruire à charge et à décharge dans les affaires les plus graves et les plus complexes, le juge d'instruction reste un magistrat indépendant. A la différence des procureurs, nommés directement par la chancellerie.

"Tout sera étouffé !". "Quelle sera la marge de manoeuvre des procureurs lorsqu'ils auront à traiter des affaires financières sensibles ou qui mettraient en cause des proches du pouvoir ?" s'interroge le juge Renaud Van Ruymbeke, célèbre pour avoir instruit les affaires des frégates de Taïwan et de Clearstream. Avis partagé par le député PS André Vallini, ancien président de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau : "si, demain, sans juge d'instruction, le gouvernement ne souhaite pas qu'une enquête soit ouverte sur un sujet qui pourrait le gêner, tout sera étouffé." (1)

Histoire de parer les critiques de mainmise de l'Etat, le rapport Léger met en avant la création d'un "juge de l'enquête et des libertés", sorte de superviseur général "garant de la loyauté de l'enquête". Pour les syndicats de magistrats, ce "JEL" n'est qu'un "juge alibi" qui n'aura pas de véritable pourvoir pour impulser et orienter les investigations. "Il validera ce qu'on voudra bien lui montrer !" résume Emmanuelle Perreux, la présidente du Syndicat de la magistrature (SM). "On peut débattre de la suppression du juge d'instruction, ajoute-t-elle, mais uniquement si l'on réforme en même temps le parquet pour qu'il soit indépendant. Sinon, on tombe dans un système extrêmement réactionnaire."

 Pour l'instant, les syndicats ne prévoient pas d'initiatives. "On ne veut pas débattre des propositions du comité Léger car, pour nous, il n'a pas de légitimité, explique Emmanuel Perreux. Nous attendrons le projet de loi du gouvernement pour nous forger une opinion et organiser la mobilisation." En mars dernier, un sondage CSA avait révélé que 71% des Français étaient contre la suppression du juge d'instruction.

 

Note

1. Dans un entretien au journal Le Monde, l'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand, Robert Badinter a dénoncé "le premier acte d'une OPA de l'exécutif sur les affaires les plus importantes de la justice pénale" qui est, selon lui, "une situation unique en Europe", avec des procureurs généraux "toujours nommés en conseil des ministres, comme les préfets ou les généraux".

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