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Paradis fiscaux : le vrai-faux départ des banquiers

Publié le par Julie de la Brosse

A la suite de BNP Paribas, les banques françaises ont annoncé jeudi la fermeture de leurs filiales dans les paradis fiscaux. Si le gouvernement se félicite de cette décision, les avancées réelles risquent d'être limitées. On reste dans l'effet d'annonce et les arrangements, comme le cas de Monaco le démontre. Enquête de Julie de la Brosse.
BNP serait-elle devenue une banque exemplaire ? Imitant son initiative, toutes les banques françaises ont annoncé jeudi, à l'issue d'une réunion à L'Elysée, la fermeture de leurs filiales dans les paradis fiscaux. Un véritable succès pour le gouvernement, qui depuis le G20 de Londres en avril dernier se dit plus que jamais déterminé à lutter contre la fraude fiscale. Cet enthousiasme dépasse d'ailleurs le petit cercle gouvernemental. Même les traqueurs de l'évasion fiscale se félicitent. "Se détacher publiquement de quelques uns de ses paradis fiscaux, c'est montrer une volonté claire de ne plus travailler avec les pays qui ne jouent pas le jeu de la coopération bancaire internationale", confiait récemment à L'Expansion.com Daniel Lebègue, président de la branche française de l'ONG Transparency International, très impliquée dans la lutte contre les paradis fiscaux.
Pourtant, cette opération ne sera pas suffisante pour faire disparaître l'évasion fiscale. D'abord parce que les banques françaises se sont seulement engagées à ne plus être implantées dans les pays de la liste grise, un des trois classements établis par l'OCDE pour évaluer le degré de coopération des places financières. Or, cette liste grise ne reflète pas la réalité des paradis fiscaux. Fruit d'un compromis politique serré, censé préserver les paradis fiscaux privilégiés de certains pays, comme les Etats-Unis, la liste a oublié de mentionner des territoires comme les îles Vierges ou les îles Anglo-Normandes.
Monaco fait fort. Et puis, au fil des semaines, les listes "honteuses" se sont effilochées, et pas toujours pour de bonnes raisons. Aujourd'hui, la noire est totalement vide, et douze pays sont déjà sortis de la grise, selon le dernier rapport de l'OCDE. Or, pour se hisser dans le cercle pas vraiment fermé de la liste blanche, il suffit de signer au moins 12 conventions de double imposition d'ici au 31 décembre 2010. Si certains ont joué le jeu, comme la Suisse, qui n'a signé ces accords qu'avec des pays coopératifs, d'autres n'ont pas hésité à trouver ensemble des solutions avantageuses. Ainsi le cas de Monaco laisse songeur. La principauté, qui vient d'être retirée de la liste grise, a conclu sept de ses accords avec des paradis fiscaux. "Ces accords ne valent rien. Les promesses entre voleurs n'engagent qu'eux", commentait récemment Catherine Lubochinsky, économiste, lors de la remise à François d'Aubert, délégué général à l'OCDE du rapport d'étape "La crise financière et les paradis fiscaux". Les filiales des banques françaises, qui ont jusqu'en mars 2010 pour se retirer des pays de la liste grise, n'auront donc pas de problème à rester sur ces territoires, une fois que ces derniers auront été retirés de cette même liste.
 Bnp-Paribas quitte six paradis mais en conserve 183. De quoi anéantir une bonne partie des effets d'annonce qui ont suivi la rencontre de ce jeudi entre les banquiers et l'Elysée. Selon une enquête d'Alternatives économiques, BNP Paribas, la reine des entreprises françaises en la matière, compterait 189 filiales off-shore. Et en se dégageant des pays considérés comme non coopératifs, seules six filiales de la banque devraient être fermées en 2011. S'il en reste encore 183, c'est qu'elles sont basées dans des pays en apparence plus vertueux. Comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas où encore l'Irlande, qui offrent des services de type "paradis fiscal". Ces pays, qui n'ont pas été mis sous pression comme la Suisse ou le Luxembourg, représentent la plus grosse part de l'évasion fiscale des entreprises françaises. Ces dernières n'ont en effet pas besoin d'aller aux îles Caïmans pour faire fructifier discrètement et à moindre coût fiscal le patrimoine des personnes aisées, gérer les salaires des cadres à haut revenu à l'abri du regard du fisc... 30% des implantations dans les paradis fiscaux des entreprises françaises se font au Royaume Uni. Un terrain idéal pour faire ce qu'elles appellent sans gêne de "l'optimisation fiscale"
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