Banques : la spéculation a repris de plus belle
La BNP Paribas vient d'annoncer une hausse de34% de ses bénéfices, la Société générale a sextuplé les siens Une dizaine de jours plus tôt, une enquête
du Wall Street Journal révélait que l'année 2010 marquait un nouveau record de bonus et de rémunérations astronomiques à Wall Street.
BNP Paribas a annoncé ce jeudi matin un bénéfice net de 7,8 milliards d'euros en 2010, en hausse de 34% par rapport à 2009. Hier, c'était la Société générale qui révélait en fanfare avoir
concrétisé son rebond en 2010 avec un bénéfice net quasiment sextuplé, à 3,917 milliards d'euros. La crise est décidément un lointain souvenir pour les banques françaises et pour leurs
actionnaires. Ceux de la BNP Paribas devraient toucher ainsi un dividende de 2,10 euros par action, soit un taux de distribution de 33,4%. La direction ne sera sûrement pas oubliée non plus.
Le groupe bancaire explique son bon bilan 2010 par un environnement économique plus favorable, par le "succès" de l'intégration de la banque Fortis et par la diversification de ses activités. La
Société générale se vante elle d'avoir su baisser le coût des provisions pour impayés, maîtriser aussi ses coûts et stabiliser son portefeuille d'actifs pourris. Mais il faut aussi rappeler que
la banque a récupéré 1,6 milliard d'euros sur les 4,9 milliards perdus en 2008 dans l'affaire Kerviel grâce à un dispositif fiscal. Elle utilise aussi à plein la "variable d'ajustement"
du personnel, en lançant mi-2010 un plan de 900 suppressions de postes sur trois ans. Et à y regarder de plus près, c'est sa filiale finance et investissement (BFI) qui a retrouvé des couleurs
(+160%). Le signe que la spéculation est repartie de plus bel et qu'elle est à nouveau très profitable. Le Wall Street journal a révélé il y a dix jours que les bonus et les rémunérations versées
aux traders et aux patrons de banque atteignent de nouveaux records en ce début 2011.
" On peut se demander s'il n'y a pas des risques qui ont à nouveau été pris, comme avant, ce qui pourrait poser la question de savoir si on ne va pas, comme avant, aller vers des déconvenues" explique l'économiste Jean-Paul Rollin dans un entretien au Monde. "Il y a un sentiment d'impunité des banques et j'en suis scandalisé. Non seulement personne ne dit rien mais, en plus, aujourd'hui, les banques nous expliquent que, finalement, comme tout va bien, les suppléments de régulation prévus par Bâle III [nouvelles normes internationales devant entrer en vigueur en 2013 et comprenant de nouvelles contraintes réglementaires pour les banques] ne sont pas utiles." Les banques disent qu'elles n'ont rien demandé au contribuable et que donc la régulation n'est pas nécessaire. Mais, elles oublient au passage que, en gros, cette crise nous a coûté 10 points de PIB, or, pendant ce temps, les rémunérations continuent. Au passage, il faut dire qu'au début des années 1990, selon les chiffres de la comptabilité nationale, les rémunérations du secteur financier étaient de 15 % supérieures aux rémunérations des autres secteurs de l'économie. A la veille de la crise, en 2007, la différence était de 45 %.