Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

De la sanction électorale au troisième tour social ?

Publié le par PcfBalaruc

Manifs-sy-dicales.jpg

Aucun syndicaliste ne s'est aventuré, avant le deuxième tour des élections régionales, à pronostiquer un troisième tour social. La même prudence avait prévalu au lendemain de l'élection présidentielle de 2007 qui avait vu la victoire de Nicolas Sarkozy. Dans un pays où la crise, sur fond d'aggravation des inégalités sociales, accentue le mécontentement mais pousse plus à la résignation qu'à la combativité, la contestation sociale ne se décrète pas d'en haut. Cependant, une sanction électorale aussi lourde que celle du 21 mars à l'encontre de la politique de M. Sarkozy peut donner des ailes à la contestation sociale qui s'amorce avant le grand rendez-vous de la mi-avril sur la réforme des retraites. Par Michel Noblecourt

Les régionales confirment une crise du politique qui ne peut qu'alimenter la grogne sociale : une abstention qui frôle encore, le 21 mars, les 50 % ; une "gauche solidaire", selon la formule de Martine Aubry, qui, si elle manque, de peu en métropole, le grand chelem, surpasse de 20 points la majorité présidentielle ; un Front national qui, présent dans 12 régions, atteint de nouveau un score élevé, avec 17 % en moyenne ; un président de la République qui, à deux ans de la fin de son mandat, bat des records d'impopularité dans les sondages. Dès le lendemain du premier tour, les syndicats ne s'y étaient pas trompés. Laurence Laigo, secrétaire nationale de la CFDT, y a vu "une perte de confiance dans l'action politique". Et la CGT a parlé d'un "désaveu clair des politiques poursuivies" et d'un "fort mécontentement des salariés".
Troisième tour ? Dès le 15 février, au soir du sommet que M. Sarkozy avait tenu avec les partenaires sociaux sur l'agenda social de 2010, avec, au premier rang, la réforme des retraites, cinq organisations syndicales - CGT, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires - avaient décidé d'une "mobilisation interprofessionnelle unitaire" le mardi 23 mars, avec "des grèves et des manifestations dans tout le pays", pour exprimer "leur profonde inquiétude sur l'emploi, le pouvoir d'achat et les retraites". La CGT avait même proposé de manifester en pleine campagne électorale mais la CFDT s'y était opposée. Force ouvrière qui, depuis l'automne 2009, se tient délibérément à l'écart de l'intersyndicale à huit, constituée à la fin 2008 - qu'elle qualifie de "structure quasi institutionnelle privilégiant le contenant en anesthésiant le contenu" - a décidé de manifester aussi le 23 mars, mais en solitaire.
Au soir du 21 mars, Mme Aubry a eu le triomphe modeste, tout en insistant sur le message des électeurs "dans ce moment d'inquiétude, de souffrance et d'une crise qui dure et qui rend la vie toujours plus dure". La première secrétaire du PS n'a pas manqué de mettre en avant des préoccupations sociales en jugeant que les électeurs ont "sanctionné une politique injuste de cadeaux fiscaux pour les plus privilégiés au détriment de l'emploi, de la lutte contre le chômage et du pouvoir d'achat des salariés et des retraités". François Fillon et les porte-parole de l'UMP ont reconnu la défaite du camp présidentiel. Mais si M. Sarkozy se borne à un "remaniement technique" et maintient le cap de sa politique économique et sociale, les syndicats vont y trouver du grain à moudre pour la contester.
Retraites : c'est un président affaibli qui va aborder un dossier explosif. Dans son bulletin Actualité de mars, l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) reconnaît que ces élections "pèseront sur le climat politique et social du printemps, donc sur les marges de manoeuvre dont disposera le gouvernement pour des décisions difficiles". Au lendemain de la sanction du 21 mars, M. Sarkozy aura peu de latitude face à la trilogie de difficultés sociales qu'il aura à surmonter. D'abord l'emploi : la reprise n'empêchera pas une envolée du chômage, autour de 10 % de la population active, avec son cortège de plans sociaux. Dès le 22 mars, le gouvernement est confronté à la prise en charge des chômeurs en fin de droits qui, à défaut d'être secourus en 2010, peuvent basculer dans la pauvreté, comme lorsque la gauche, en novembre 1982, avait favorisé l'apparition de "nouveaux pauvres". Or syndicats et gouvernement divergent, tant sur le diagnostic que sur les solutions. 
Ensuite, la question du pouvoir d'achat resurgit. La flambée de conflits salariaux dans le secteur privé interpelle le patronat mais elle traduit une impatience qui n'épargnera pas la fonction publique.
Enfin, la réforme des retraites est au coeur des priorités syndicales. Xavier Darcos, le ministre du travail, est fragilisé par son échec en Aquitaine. La nomination d'un "ministre des retraites" est évoquée. Mais tous les syndicats sont vent debout contre les pistes envisagées par M. Sarkozy, d'un nouvel allongement de la durée de cotisations à une mise en cause de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Divisés sur les solutions, ils préconisent une réforme du financement, en explorant de nouvelles ressources, ce que récuse M. Sarkozy. La volonté d'envoyer des signaux à Bruxelles, et aux marchés, dans la lutte contre les déficits publics, pousse le chef de l'Etat à tailler dans le vif, quitte à affronter les syndicats au prix d'une grogne sociale qu'il pense éphémère. Mais c'est un président affaibli qui va aborder une réforme sur un sujet explosif, à l'origine du mouvement social de 1995. Quand une sanction électorale donne potentiellement des ailes à une fronde sociale, la prudence reste encore la meilleure conseillère.
Commenter cet article