Éric Aubin (la CGT) : "l’objectif du gouvernement est de baisser les pensions."
Pour Éric Aubin, secrétaire confédéral de la CGT chargé des retraites, les salariés subiront une
diminution du niveau de leur pension. Entretien réalisé par Olivier Mayer
Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, vient d’annoncer que le décret portant la durée de cotisation à 41 ans et demi pour une retraite à taux plein est en préparation. Est-il
obligé de suivre ainsi la recommandation du Conseil d’orientation des retraites (COR) ?
Non. Et ce n’est d’ailleurs pas une recommandation. Le COR va donner un avis technique : à partir d’un constat portant sur un allongement de l’espérance de vie, il traduit en fonction de la
réforme Fillon de 2003 ce que cela signifierait en termes de durée de cotisation. Je ne suis pas surpris que Xavier Bertrand mette en œuvre la réforme de 2003. Nous, nous l’avons combattue parce
qu’elle contenait cette augmentation de la durée de cotisation. Il faut noter que, vu la situation actuelle de l’emploi, du chômage, notamment celui des seniors, qui continue de croître,
l’objectif du gouvernement est de baisser les pensions. Et ce sera la conséquence de cette augmentation de la durée des cotisations.
Vous parlez de « double peine ». Dans quel sens ?
Double peine parce que le recul de l’âge légal de départ à la retraite se double de l’augmentation de la durée de cotisation. Jouer sur ces deux tableaux à la fois est un fait unique en Europe.
Cette réforme est la plus dure d’Europe. Autour de nous, les pays sont à 37 ans, voire 35 ans, pour une retraite à taux plein, en aucun cas à 41 ans et demi.
On peut aujourd’hui mesurer pleinement les effets négatifs des réformes menées depuis des années...
Au bout de quinze ans, on a vu les effets de la réforme Balladur de 1993. Le passage des 10 aux 25 meilleures années a coûté 15 % de niveau des pensions en moins. Huit ans après 2003, on voit
les effets de la réforme que nous avons combattue. Et on voit déjà les effets de la réforme de 2010. La non-reconduction de l’allocation équivalent retraite (AER) va mettre des dizaines de
milliers de demandeurs d’emploi en fin de carrière en situation de non-ressource. Et dans les mois et les années qui viennent, on verra encore les pensions baisser.
Mais ne faut-il pas en passer par là pour sauver le régime des retraites ?
S’il en était ainsi, ce serait un moindre mal. Mais ça ne sauvera en rien le régime des retraites, dans la mesure où les questions de son financement ne sont en rien réglées. La CGT demande
depuis 1993 une véritable réforme du financement de la protection sociale et des retraites. Et il faut une autre politique de l’emploi.
Tous les syndicats sont opposés à cette mesure, mais on a l’impression que tout est joué…
À la CGT, nous réunissons aujourd’hui même (mardi) la commission exécutive confédérale pour débattre d’une proposition d’action aux autres organisations syndicales. Ce pourrait être le 6 octobre.
Ce sera une rentrée particulière, avec la campagne présidentielle et une situation sociale dure. Le pacte euro plus s’annonce comme un corset d’austérité pour toute l’Europe. Emploi, salaires,
financement de la protection sociale et promotion des services publics seront les thèmes majeurs de cette rentrée.
Allez-vous interpeller les candidats sur la réforme des retraites ?
La CGT aura des choses à dire aux candidats à l’élection présidentielle, bien entendu. Ils ne devront pas oublier ce que des millions de salariés ont exigé dans la rue en 2010.