Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'oasis dorée de Dubai sur le sable : les marchés plongent

Publié le par Pcfbalaruc


La quasi-faillite de l'Emirat n'est qu'un symptôme de l'acte II de la crise. Un parmi d'autres.


Victime de sa propre folie spéculative, l'émirat du golfe Persique en quasi-faillite, donne le blues aux places financières et ravive la crainte d'un krach des dettes publiques dans les grands pays capitalistes. L'Europe n'est pas à l'abri.

Par Pierre Ivorra


Hier (vendredi), les places asiatiques ont continué de chuter. Tokio a perdu 3,22%, victime à la fois de l'embardée de Dubaï et de la hausse du yen par rapport au dollar. Les obligations des institutions financières islamiques, essentiellement celles des Etats du Golfe ont été particulièrement affectées. tandis qu'en début de séance le Dow Jones (-2%) et le Nasdaq (-2,72%) chutaient fortement à la Bourse de New York, Paris se redressait en milieu d'après-midi (-0,30%). Mais dans la soirée, le monde de la finance retenait son souffle.

L'annonce mercredi par les autorités de Dubai, dans le golfe Persique, de leur demande d'un moratoire de six mois sur le paiement d'une échéance de la dette de 59 milliards de dollars contractée par la compagnie immobilière Nakheel, filiale de Dubai World, un des fleurons de l'économie de l'émirat, a eu dès jeudi un effet en cascade sur les places financières internationales qui ont toutes dévissés.

L'émirat sous les dettes

Dubai croule sous les dettes. L'émirat a engagé depuis dix ans des programmes immobiliers pharaoniques visant à transformer ce petit bout de terre en un centre d'affaires et de tourisme de luxe et de renommée mondiale. Mais depuis l'été 2008 le marché immobilier hyper spéculatif s'est retourné, les prix ont chuté de 50%. Aujourd'hui, l'Etat, incapable de rembourser ses dettes, est au bord de la faillite. Ce risque de banqueroute a eu pour effet d'accroître la méfiance des investisseurs internationaux vis-à-vis des émirats du Golfe et de certains pays asiatiques particulièrement engagés dans les opérations spéculatives à Dubai. Avec pour conséquence un renchérissement pour ces pays du coût de toute nouvelle levée de capitaux.

Mais l'affaire n'est pas circonscrite à ces contrées lointaines. La folie des grandeurs des dirigeants de Dubai a été entretenue pour partie par les grandes banques occidentales qui leur ont avancé de l'argent à guichet ouvert. Ainsi, l'exposition des banques européennes - notamment des françaises comme BNP Paribas - est évaluée entre 11 et 26 milliards d'euros.

La zone euro doit emprunter 1.000 milliards

La Banque des règlements internationaux (la banque des banques centrales) évalue à 93 milliards de dollars l'exposition des banques européennes aux Emirats arabes unis, la confédération à laquelle Dubai appartient au côté notamment du richissime Abu Dhabi, dont 11 milliards pour les établissements français (0,1% de leurs engagements). Toujours selon la BRI, le pays le plus exposé est de loin le Royaume-Uni avec 51 milliards de dollars (0,5% des engagements).

Mais ce qui préoccupe davantage les milieux d'affaires et les dirigeants politiques des grands pays capitalistes, c'est que cette quasi-faillite de Dubai intervient dans un contexte marqué par une forte inquiétude vis-à-vis de la dette publique de certains pays. En Europe notamment, la qualité de la signature de la Grèce fait l'objet d'une suspicion accrue qui se traduit pour ce pays par un coût plus élevé du recours au marché international des capitaux, avec l'obligation qui lui est faite d'offrir à ces derniers une rémunération plus élevée.

La Grèce doit emprunter 45 milliards d'euros en 2010, l'Irlande, autre pays européen mal en point, 25 milliards. Au total, la zone euro doit emprunter 1.000 milliards. les Etats-Unis de leur côté doivent en faire autant. Les marchés seront-ils en état d'absorber une telle demande ? Après le krach de la dette privée intervenue en 2007-2008 avec les subprimes aux Etats-Unis, va-t-on vers un krach de la dette publique ?


Le miroir de Dubai .....  Par Jean-Emmanuel Ducoin


Soyons simples. Le délire urbain à la vulgarité stupéfiante de Dubai, symbole des projets démesurés du capitalisme appliqué aux villes-Etats des Emirats arabes unis, avec ses touts gigantesques, ses parcs à thèmes, ses circuits de Formule I et ses centres commerciaux transformés en raison de vivre, nous concerne, même indirectement, hélas. Depuis quarante-huit heures, nous en avons même la preuve par l'absurde ! Ainsi Dubai, la richissime, la pétrolissime, sans impôts et sans élections. Dubai, l'un des fantasmes des capitalistes bling-bling, vient-elle d'annoncer sa situation de faillite. Une quasi-banqueroute. Et un coup d'arrêt aux rêves de grandeur consuméristes d'avant-crise...

Comme un contribuable devant son receveur fiscal, l'Emirat s'est vu contraint, en effet, de quémander à ses créanciers un moratoire de six mois pour le remboursement d'une dette évaluées à 59 milliards de dollars. Affolement dans le monde. réactions collatérales. Baisse brutale des places financières. Frayeur de quelques pécunieux pris de panique comme les anciens clients de Madoff... Et qu'apprend-on ? Que parmi les banques européennes exposées à ce dû abyssal figurent quelques fleurons made in France :Société générale, BNP-Paribas, Crédit agricole... Face à la menace sérieuse d'un nouveau krach financier et/ou des dettes publiques, réplique au séisme mondial de l'année dernière, les banques françaises, qui ont beaucoup investi dans cet eldorado en pétrodollars, semblent donc en première ligne.

Nous sommes bien loin des discours rassurants ! Depuis quelques semaines, le moindre frémissement était annoncé comme le signal évident du début de la "fin de la crise", claironnée sur tous les tons. Des moins de très faible croissance avaient même suffi pour que les bonus repartent de plus belle... seulement voilà, nous avions raison de ne pas nous laisser impressionner par le sentiment général de soulagement de la médiacratie rampante concernant "la reprise". Derrière ces propos lénifiants, se jouait déjà une sinistre comédie : l'unique sauvetage du système financier, avec la reconstitution discrète des profts et des rentes. Les quelques mesurettes du dernier G20 pour "moraliser" le capitalisme n'auront abusé que les imbéciles.

Nous nous installons assurément pour plusieurs années dans une croissance déprimée et une longue austérité destinée à éponger les plans de relance, avec de nouvelles baisses dans les dépenses publiques. Voilà pourquoi, en France, Nicolas Sarkozy a choisi de faire dériver les débats dans les eaux troubles de l'identité nationale -infâme diversion. Car son volontarisme de façade n'a évidemment pas résisté à l'épreuve des faits. Face à l'irréalité de l'économie, qui continue d'atomiser l'espérance sociale de nos sociétés, tous les chômeurs qui s'additionnent par dizaines de milliers chaque mois, et avec eux tous les pauvres, tous les exclus, savent qu'ils sont toujours la chair à canon de la finance. Dubai n'est qu'un symptôme de l'acte II de la crise, un parmi d'autres. Ils étaient en effet nombreux, les bonimenteurs du système, à avoir investi leurs intérêts (communs) dans cet émirat, véritable "caverne cossue des fonds souverains" comme ils disaient. Dubai venait justement d'annoncer le lancement triomphal d'une tranche de 5 milliards de dollars en bons du trésor, une sorte de "grand emprunt national" à la sauce persique ! ça en dit long sur la solidité des échafaudages de la finance mondiale.


Commenter cet article