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Loppsi II : un fliquage toujours plus high-tech

Publié le par PcfBalaruc

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Le groupe d’électronique français Thales chargé de l'installation de vidéo-surveillance

Sous couvert de s’adapter « aux nouvelles formes de délinquance », le texte qui a été voté hier à l’Assemblée, renforce les dispositifs de surveillance et les fichiers. Par Anne Roy

Une compilation d’articles et d’amendements censés donner un cadre aux acteurs de la sécurité (privé et public confondus, pour la première fois) sans jamais poser la question des raisons de l’augmentation de la délinquance ou d’une définition de ce qu’est ou devrait être la sécurité : la philosophie générale de la loi de programmation sur la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) est ailleurs. Le texte, doté d’un budget de 2,5 milliards d’euros, qui a été adopté hier en première lecture à l’Assemblée nationale (par 312 voix pour et 214 contre) après trois jours de débats devant un hémicycle à moitié vide, met à la disposition des policiers un nouvel arsenal technologique — sous la responsabilité, dans la plupart des cas, d’un juge d’instruction, une institution dont les jours semblent pourtant comptés. Le but : répondre « aux nouvelles formes de délinquance », selon les termes du porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre. Et réduire le plus possible les tâches que les policiers considèrent « indues » — par exemple, les transferts de détenus.
Première application de cette débauche technologique : la validation du processus de généralisation de la vidéosurveillance, que le texte couvre du doux nom de « vidéoprotection », avec le triplement annoncé du nombre de caméras dans les rues pour atteindre 60 000 d’ici à 2012. Si, sur cet aspect, cette nouvelle loi n’invente rien et se contente de marquer le trait, elle réserve du nouveau, bien plus grave encore, du point de vue des associations et syndicats attachés aux libertés publiques : la possibilité offerte aux établissements privés de placer des caméras surveillant la voie publique, une disposition jusqu’ici limitée aux bâtiments exposés à des actes de terrorisme. Concrètement, cette disposition permettra donc à n’importe quel débitant de tabac, n’importe quelle banque ou n’importe quel fleuriste, de surveiller les allées et venues sur le trottoir.
Autre utilisation des caméras : la généralisation de la visioconférence dans les tribunaux. L’objectif : diminuer les déplacements de prévenus (et donc les policiers qui y sont dédiés). Il y a un an, les magistrats recevaient de leur ministre de tutelle l’ordre de limiter de 5 % les extractions judiciaires en recourant de façon plus systématique à la visioconférence pour auditionner les détenus. Une disposition qui peut se comprendre «dans certains cas, quand un prévenu est en Corse et que son juge est à Lille par exemple», détaille Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. Aujourd’hui pourtant, les visioconférences se généralisent «même quand la maison d’arrêt n’est qu’à une demi-heure du tribunal». «Énorme problème», soulevé par le syndicaliste qui est également juge d’instruction, l’utilisation de ce système entraîne une «déshumanisation de la justice» : «ce n’est pas la même chose de s’entretenir avec quelqu’un qui est en face de vous, juger à distance peut avoir des effets déresponsabilisants pour le juge, dans la mesure ou l’écran provoque une mise à distance de la souffrance. »
Autre stade franchi par le texte : le recours et l’utilisation des fichiers. L’idée : interconnecter les différents fichiers existants — dont l’existence et le fonctionnement sont de fait validé. «On va vers une généralisation du fichage : les fichiers génétiques par exemple, contiennent déjà, et pour vingt-cinq ans, 800 000 suspects sur un million de données», précise Matthieu Bonduelle. Autre mesure high-tech, et pas des moindres, l’installation de «mouchards» au domicile de particuliers pour surveiller les mouvements sur leurs ordinateurs. Simple transposition des écoutes téléphoniques au domaine informatique, justifie Éric Ciotti, rapporteur du projet de loi.

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