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Menace sur la reine des plantes écologiques

Publié le par PcfBalaruc

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Nous n’aurons pas une politique agricole commune (PAC) plus verte après la réforme de 2013 si dans le même temps l’Europe s’ouvre toujours plus aux importations de denrées dont les méthodes de production ne respectent pas l’environnement. Cette observation nous renvoie à l’une des contradictions majeures du projet de réforme de la Commission européenne désormais soumis au débat. En attendant cette réforme, applicable en 2014, l’absence de dispositif de soutien à la déshydratation de la luzerne pour les récoltes de 2012 et 2013 devient un cas d’école en France, trois ans après le Grenelle de l’environnement.. Par Gérard Le Puill

 

 Une aide de 33 euros par tonne de luzerne déshydratée est actuellement versée aux industriels de la filière afin qu’ils puissent rémunérer convenablement les agriculteurs qui les fournissent en matière première. Dans une Europe qui importe 75 % des protéines végétales nécessaires à l’équilibre alimentaires des animaux d’élevage, la luzerne est une plante particulièrement intéressante pour réduire notre dépendance aux importations de soja du continent américain. Ses tiges comme ses feuilles sont riches en protéines. Elle n’a pas besoin d’engrais, ni de pesticides, au point que les entreprises productrices d’eau minérale recommandent sa culture autour des zones de captage. En Italie, comme en Espagne, une partie de la luzerne est parfois séchée sur le pré et récoltée en bottes.

En France, la production  est concentrée à hauteur de 80 % dans la région Champagne- Ardenne, dont les sols crayeux sont les plus adaptés à cette production. L’ensoleillement est insuffisant pour récolter rapidement une luzerne de qualité par séchage naturel. D’où l’existence, depuis longtemps, d’usines de déshydratation après un préfanage de quelques heures en andains. À la sortie de l’unité de déshydratation, la luzerne devient un aliment granulé riche en protéines et très digeste par les bovins, ovins, caprins et truies notamment. L’unique inconvénient de la déshydratation réside dans le coût énergétique de l’opération. Mais les performances des unités de déshydratation ne cessent d’augmenter.

Cette filière aux 26 usines pour 2 000 salariés a revendu beaucoup de droits à polluer sur le marché du carbone, ces dernières années, en réduisant ses émissions de CO2. On peut désormais mélanger du bois déchiqueté, de la sciure et certains coproduits de l’agro-industrie au charbon pour en réduire les coûts. Ce qui valorise aussi des végétaux de proximité, forestiers et autres. Pour comprendre tout l’intérêt économique et écologique de la luzerne, il faut savoir que cette plante améliore aussi l’état des sols avec son système racinaire qui s’enfonce profondément et favorise la vie microbienne, ainsi que le travail des précieux vers de terre. Il est également prouvé qu’une culture de blé après le retournement d’un champ de luzerne donne des rendements nettement plus élevés que la moyenne, toujours sans apport d’engrais azotés. Or, la filière luzerne est en danger.

Lors du bilan de santé de la PAC, en 2008, il a été décidé que l’aide aux déshydrateurs deviendrait, à partir de 2012, un droit à paiement unique (DPU), versé directement à l’agriculteur, à qui la Commission européenne recommande aussi de produire ce que le marché paie le mieux en fonction de la conjoncture. Et comme le blé est à plus de 200 euros la tonne, la filière luzerne ne pourra pas atteindre l’équilibre économique et rémunérer les paysans si l’État ne lui verse pas, en 2012 et 2013, cette compensation de 33 euros par tonne de granulés. En espérant que la PAC de 2014 renouera avec la raison.

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