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Tobin or not tobin… reste la question

Publié le par PcfBalaruc

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En 1998, Attac lance l’offensive sur la taxation des transactions financières pour réglementer la finance mais aussi se doter des moyens pour atteindre les objectifs de développement du millénaire. L’outil alors qualifié d’utopique a désormais rallié des personnalités différentes, aux motivations… diverses.  Entretien avec Aurélie trouvé, membre du conseil d'administration d'Attac. Entretien réalisé par Angélique Schaller 

Initialement, cette taxe sur les transactions financières a été imaginée pour réglementer un marché dérégulé par les politiques néolibérales. Pouvez-vous revenir sur ce point ? 
 Nous voulions effectivement nous attaquer au volume des transactions et en particulier à la partie ultra spéculative, inutile et dangereuse. L’idée était de réguler. La taxe touche une transaction. Si une personne travaille sur le long terme, elle sera taxée une fois. En revanche, s’il y a des milliers de transactions à l’heure, il y aura des milliers de taxes. C’est ainsi que cette proposition touche d’abord la finance de haute voltige. Celle qui est la plus néfaste. 
La proposition de Nicolas Sarkozy se résume à taxer les actions. La vôtre allait beaucoup plus loin. Notamment les produits dérivés qui constituent aujourd’hui l’essentiel des transactions ? 
Avec cette proposition cantonnée aux actions, Nicolas Sarkozy ne fait tout d’abord que remettre ce qu’il avait détruit. La taxe de 3% sur la bourse qu’il a supprimée en 2008 était justement une taxe sur ces actions. Même l’Europe allait au-delà puisqu’elle envisageait une taxe concernant tous les produits à l’exception des devises. Quant aux produits dérivés, bien sûr qu’ils doivent être taxés. Dans l’agroalimentaire, quand un industriel veut une garantie de prix sur un produit dans les six mois à venir, il fait un contrat avec un spéculateur où ils se mettent d’accord sur un prix. On est dans le pari. Cela repose sur un produit physique mais cela n’a rien à voir avec un échange de produits physiques. C’est cela un produit dérivé : un prix déconnecté de la vie réelle mais qui influe sur cette vie réelle. Tout le monde a pointé leur implication dans la crise alimentaire. Or, beaucoup de ces produits dérivés se font de gré à gré, c’est-à-dire sans passer par les bourses et sans respecter un minimum de règle. Résultat : personne ne sait ce qu’il s’y passe, les économistes comme les gouvernements.
Autre différence avec votre proposition de départ : l’affectation des fonds. Nicolas Sarkozy semble y voir l’opportunité de remplir les caisses de l’Etat qu’il a lui-même vidées ? 
Utiliser cette richesse pour financer des politiques solidaires, de biens publics, avec notamment la lutte contre la pauvreté et le réchauffement climatique était effectivement un pilier de notre proposition. Quand Nicolas Sarkozy se l’approprie aujourd’hui, c’est, à mon sens, essentiellement pour faire passer la pilule de la TVA sociale qui sera désastreuse pour le pouvoir d’achat des gens. Mais il y a aussi effectivement le risque qu’il s’en serve pour rembourser la dette. Ce qui reviendrait donc à prendre l’argent dans la poche des financiers… pour la leur redonner puisque ce sont eux les détenteurs de la dette. Et ils le seront tant que l’on ne permettre pas à la Banque Centrale Européenne (BCE) de prêter directement aux Etats.
Ce ralliement opportuniste ne cherche-t-il pas à masquer la nécessité d’une réforme générale de la fiscalité ?
Nous avons toujours dit que cette taxe était une mesure importante mais pas suffisante pour désarmer la finance. Il faut aussi s’atteler à un contrôle démocratique de la Banque centrale européenne, à la socialisation des banques, à la fermeture des paradis fiscaux car si l’on veut taxer les transactions financières il faut aussi se donner les moyens de les connaitre. Or, tout ceci est à mille lieux de ce que propose Nicolas Sarkozy. Cette annonce électoraliste risque donc de dévoyer une idée pourtant nécessaire : cette taxe minime sur les transactions permettait de fournir les crédits annuels que les Nations Unies estiment nécessaires pour lutter contre la pauvreté. Une autre ambition.

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