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François Hollande : les raisons d’un trouble

Publié le par Daniel Sario

François Hollande : les raisons d’un trouble

En faisant aussi ouvertement du grand patronat son partenaire principal, dont il prend soin de satisfaire toutes les revendications, en accordant la priorité à la réduction des dépenses publiques, le président de la République suscite un profond mécontentement dans l’électorat de gauche, jette le trouble jusque dans les rangs du Parti socialiste, où l’on ne compte plus les militants décontenancés et les élus gênés aux entournures quand ils retournent dans leur circonscription. Par Jean-Paul Piérot

Les vœux télévisés de François Hollande, le 31 décembre dernier, ont marqué, sinon un tournant, du moins une étape dans ce quinquennat qui a d’ores et déjà remporté un record en matière de désillusion. L’offre – le mot est à la mode – d’un « pacte de responsabilité », faite au grand patronat, en d’autres termes une offre de nouveaux allégements, ne représente pas un changement de cap dans la politique du gouvernement, après dix-huit mois de renoncement aux promesses de changement dont le candidat socialiste s’était fait le porteur pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2012. Mais la nouveauté réside dans la revendication pleinement assumée par le chef de l’État d’une orientation sociale-libérale. Une sorte de Bad Godesberg à la française qui s’imposerait au PS par la logique présidentielle de la Ve République. Cet aggiornamento libéral a été compris de tous, par le monde politique, à gauche comme à droite, par les syndicats de salariés et évidemment par le Medef, qui y a vu à juste titre pour son camp une victoire significative.

Depuis, ministres et dirigeants du PS, sans trop y croire, sont allés devant les micros et les caméras, répétant les mêmes éléments de langage. Cette fois-ci promis juré, les patrons créeront des emplois en contrepartie de la générosité prodiguée à leur endroit… Les 20 milliards versés au nom du crédit d’impôt compétitivité ne suffisent pourtant pas à convaincre les dirigeants patronaux de pratiquer une politique de donnant-donnant, était bien obligé de constater, pour le déplorer, le député PS Jean-Christophe Cambadélis, qui plaidait hier pour « un changement de culture » du patronat français. Jusqu’à présent, jamais de tels vœux pieux n’ont entraîné de changement dans l’attitude du Medef. Son président, Pierre Gattaz, tout en réclamant une nouvelle baisse des cotisations de 30 milliards, s’est empressé hier de préciser que le million d’emplois qui pourraient être créés « n’est pas un engagement ferme et juridique, c’est un objectif que nous avons donné ». Autrement dit, croyez-nous si vous voulez…

En faisant aussi ouvertement du grand patronat son partenaire principal, dont il prend soin de satisfaire toutes les revendications, en accordant la priorité à la réduction des dépenses publiques, le président de la République suscite un profond mécontentement dans l’électorat de gauche, jette le trouble jusque dans les rangs du Parti socialiste, où l’on ne compte plus les militants décontenancés et les élus gênés aux entournures quand ils retournent dans leur circonscription. C’est sur ces questions d’orientations politiques, de choix en matière économique et sociale, et non – est-il utile de préciser – sur l’occupation de sa vie privée, que François Hollande est attendu aujourd’hui lors de sa conférence de presse, la troisième qu’il tient depuis son élection en mai 2012. La précédente avait été placée l’an dernier sous le signe de « l’offensive » pour faire baisser la courbe du chômage et déjà « les allégements du coût du travail » étaient présentés comme le moyen d’y parvenir. On sait comment l’année s’est terminée. Comment s’achèvera la suivante ? Une partie de la réponse dépendra de la mobilisation du mouvement social. Pourra-t-il s’inviter dans la danse et troubler le pas de deux entre l’exécutif et le Medef ? L’autre partie viendra de la gauche elle-même. Y aura-t-il en son sein assez de forces pour résister au vent libéral pour se rassembler sur d’autres choix ?

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