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Le Parlement européen : "aucun pouvoir"?

Publié le par PcfBalaruc



Dans sa chronique hebdomadaire à l'Humanité Dimanche, l'eurodéputé Francis Wurtz (1) décrypte pour nous les pouvoirs du Parlement européen. Il est en effet utile de savoir que 60% à 70%, voire 80% des décisions prises par Bruxelles marquent les lois françaises et notre quotidien. Quelques exemples édifiants.

L'autre soir, au cours d'un débat public, PCF-Parti de Gauche, à Valence (Drôme), un représentant du Nouveau parti anticapitaliste (2) a énoncé ce qui lui paraissait être une évidence : "De toute façon, le Parlement européen n'a pratiquement aucun pouvoir !" Outre que je plains par avance les éventuels futurs élus de ce parti, lors du scrutin du 7 juin prochain -que feraient-ils donc dans cette galère, si à leurs yeux, cela ne sert à rien?-, j'ai surtout envie de rectifier cette idée, répandue mais fausse et dangereuse.
En réalité, le Parlement de Strasbourg a acquis, depuis une quinzaine d'années, des pouvoirs importants, largement ignorés des citoyens, pour la bonne raison que les médias "politiquement corrects" sont muets sur le sujet. Ils ne voient manifestement aucun intérêt à voir se politiser les enjeux européens. On a vu, en 2005, où cela pouvait conduire...
Arrêtons-nous donc sur la principale prérogative du Parlement européen : celle de voter en "co-décision" beaucoup de "directives" ou de "règlements" , autrement dit les lois européennes. Celles-ci sont ensuite transposées en droit international par le Parlement de chaque pays membre. On évalue en général à 60%, 70%, voire 80%, la part des lois françaises relatives au "marché intérieur européen" qui résultent d'une transposition de telles directives ou de tels règlements.
 "Co-décision" veut dire que deux institutions -le Parlement européen d'une part, le Conseil (c'est à dire les représentants des 27 gouvernements de l'Union européenne) de l'autre- doivent se mettre d'accord, à la virgule près, sur le contenu d'une telle directive pour qu'elle puisse entrer en vigueur. Il en résulte que si une majorité de parlementaires européens n'est pas d'accord avec tel ou tel projet de directive -dans de nombreux domaines-, celui-ci ne s'applique pas.
Quelques exemples... En premier, le projet de directive "Bolkestein", la mobilisation sociale massive a amené une majorité de députés européens à accepter d'amender le projet, mais pas à le rejeter comme notre groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE-GVN) l'avait proposé.
Deuxième cas : la libéralisation des services portuaires. La mobilisation sociale a été mieux relayée au Parlement européen -sans doute parce que l'enjeu en était moins directement politique que le non à l'emblématique texte de M. Bolkelstein : la directive a été rejetée. Elle n'existe donc plus.
Troisième exemple : la directive sur le temps de travail. Une majorité de parlementaires s'est opposée et à la Commission Barroso et au Conseil qui voulaient permettre à chaque Etat qui le demande de faire travailler les gens 65 heures, voire davantage, par semaine ! Ce vote a été acquis à 28 voix près. Du coup, le projet est bloqué. Aurions-nous pu faire passer l'amendement de rejet du groupe GUE, le texte serait même définitivement mort.
Dernier exemple : le projet "de directive de la honte" permettant à tout pays qui le souhaite d'enfermer pendant ... 18 mois tout migrant en situation administrative irrégulière, y compris des mineurs !Marlgré une très forte mobilisation de tout le mouvement associatif concerné, les pressions des gouvernements sur les députés européens qui leur sont proches ont conduit une (grande) majorité d'entre eux à accepter cette loi scandaleuse. Du coup, elle s'applique.
Conclusions. Il ressort de ces différents exemples qu'il est bien sûr vital pour les députés d'une gauche de transformation, comme nous-mêmes, de pouvoir s'appuyer sur les mobilisations sociales pour accroître leur influence. Mais il est également très important pour les mouvements sociaux de pouvoir s'appuyer sur un nombre suffisant de parlementaires européens porteurs d'une vision de l'Europe clairement alternative à celle d'aujourd'hui.
On le voit, dire, comme ce représentant du NPA, que le "Parlement européen n'a aucun pouvoir", c'est non seulement contraire à la vérité, c'est surtout dangereux, car cela contribue à désarmer les citoyens face à une institution qui compte, et à laisser le champ libre aux libéraux de tout acabit.
 C'est là une grossière erreur que le patronat, lui, ne commet pas ! Il entretient une armée de lobbyistes pour influencer le vote des députés jugés sensibles à ses pressions. Un détail : ils ne viennent guère frapper à la porte de notre groupe de la Gauche unitaire européenne -où siègeront les élu(e)s du Front de gauche pour changer d'Europe. A méditer d'ici aux élections du 7 juin...

(1) Président du groupe de la Gauche unitaire européenne - Gauche Verte nordique (GUE-GVN).
(2) NPA- Il s'agit du nouveau parti d'Olivier Besancenot.
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