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Balaruc-les-bains : une émotion crescendo (carnet n°4)

Publié le par Daniel Sario


El Rincon de las palabritas (le Coin des petits mots)

Susanna Azquinezer vous connaissez ? Avant dimanche soir, je ne savais rien de cette artiste, mais depuis, je peux dire sans exagération, que j'ai reçu l'un de mes plus grands chocs émotionnels. Il y avait là, Jacques Pailles, un  ami, ancien journaliste  reconverti dans le spectacle, et il était dans le même état que moi, retourné. Pourtant, à nous deux, on en a vu des phénomènes sur scène, mais là...
El Rincon de las palabritas (Coin des petits mots), car c'est là que ça se passait, est devenu l'espace d'une heure un lieu magique où une petite femme toute en noir, seulement accompagnée d'un accordéoniste (photo), a raconté dans la trame de l'Histoire, les histoires de ces familles espagnoles jetées sur les routes de l'exil et qui devaient, par la force des choses, survivre puis réapprendre à vivre. Avec un  jeu simple, intime, une  voix chaude, suave et rebondissante où l'espagnol se mêle au français, la comédienne anime devant nous tous ces gens qu'elle a rencontrés et qui lui ont découvert leur vie. Il n'y a pas d'esbrouffe tout est dans la sollicitation de l'imagination du public. Et le public a répondu. Pas un badaud musardant près du Rincon de las palabritas qui n'ait été comme aimanté par le récit de la conteuse. Quand, aux autres, ceux qui ont pris place depuis le début face à la petite estrade nue, ils sont devenus Paquita, Manuel, Felipe, Isabel ... par un étonnant sortilège qui va ranimer chez eux des êtres chers. A la fin, comme libéré, un spectateur se lève et crie : merci ! D'autres adressent à la comédienne de très enflammés bravos. Ils veulent la rencontrer pour lui dire qu'ils sont les enfants et les petits enfants de ceux dont elle a raconté l'histoire et elle les écoute.
Le temps de réparer ces émotions à la Bodega plus animée que jamais par les guitares flamencas et le feu des danses andalouses, qu'il faut déjà se préparer à une nouvelle charge émotionnelle. Pierre Diaz et ses musiciens, programmé à 22 heures, je ne les connaissais pas plus que Susanna Azquinezer.  Là, je dois dire que si Patrick Grégogna, le responsable du pôle culturel de Balaruc-les-Bains, a  pris des risques dans ses choix artistiques, il a eu le nez creux. La musique de Pierre Diaz et de ses excellents musiciens (Eric Brotheau à la batterie, Michel Haltier à la contrebasse, Pepe Martinez au chant et  Jean-Marie Fréderic à la guitare) fusionne l'aspect charnel du véritable chant flamenco aux mélopées non moins sensuelles du jazz avec en prime des textes qui interpellent. Certains ont dit que ce n'est pas çà l'Espagne, d'autres qu'il s'agit d'une musique trop compliquée, mais comme moi, les trois à quatre cent spectateurs qui étaient là dès le début du concert n'ont pas quitté leur chaise. En fait, ils ont sans doute, pour la plupart, fait une découverte. Les morceaux de ce spectacle intitulé "Fils d'émigré, hiras queridas cantando "La Retirada" sortira prochainement en CD et ne devrait pas manquer d'amateurs. De toute façon, cette création de Pierre Diaz à laquelle Jean-Marie Frédéric a apporté sa contribution sur le morceau Abuelo, mérite d'être saluée, au moins pour son avant-gardisme et les pistes qu'elle ouvre.
Voilà, cette semaine s'achève et déjà on peut dire que ce fut une "première" parfaitement réussie qui n'a jamais versée dans l'espagnolade. Le fil rouge de cette manifestation, la guerre civile et la Retirada, a sans aucun doute contribué à lui donner du style, de la profondeur et du caractère ce qui est la moindre des choses lorsqu'on aborde ce pays. Il y a eu beaucoup de monde et, franchement, on ne voit aucune raison pour que Balaruc-les-Bains ne persiste pas sur cette voie originale, loin des férias et autres romerias.
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