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Les faux-semblants du rapport sur les fraudes sociales

Publié le par PcfBalaruc

ISF

L'évasion fiscale représente le plus fort taux de triche.  

Le rapport du député des Bouches-du-Rhône Dominique Tian sur l'ampleur des fraudes sociales en France, dont les grandes lignes ont été dévoilées mercredi 22 juin par l'AFP, marque le début d'une offensive de la majorité sur cette question. Déjà évoqué à de nombreuses reprises depuis 2007, ce sujet touche l'électorat populaire. Mais les postulats comme les constats du rapport sont discutables. Notamment car les entreprises qui, en volume comme en taux commettent plus de fraudes que les particuliers, ne sont pas les premières ciblées par les mesures de lutte proposées dans le rapport. Par Samuel Laurent

 

Des chiffres à prendre avec précaution. Les chiffres choc annoncés par ce rapport sont à prendre avec du recul : M. Tian estime que "la fraude sociale représente près de 20 milliards d'euros, soit 44 fois plus que la fraude actuellement détectée". Soit aussi l'équivalent du coût de l'évasion fiscale ou du déficit de la sécurité sociale. Mais ce chiffre est une estimation réalisée à partir de taux déduits des 28 auditions et 6 déplacements en région de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Meccs), que préside le député. Ce n'est pas une donnée. D'autres évaluations, notamment celle de la Cour des comptes, évoquent plutôt 10 à 15 milliards d'euros globalement.

 

Les entreprises plus concernées que les particuliers. Le terme de "fraude sociale", qui pourrait sembler n'évoquer que les cas de "triche" des particuliers, recouvre en fait à la fois les fraudes aux prestations sociales (RSA, allocations familiales, etc) et les fraudes aux cotisations sociales que doivent régler les entreprises. Or les deux sont sans commune mesure : la fraude aux prélévements, qui inclut le manque à gagner dû au travail au noir, représente, selon ce rapport, entre 8 et 15 milliards d'euros, contre 2 à 3 milliards pour la fraude aux prestations sociales.
D'après M. Tian, "entre 10 et 12 % des entreprises sont en infraction et 5 % à 7 % des salariés ne sont pas déclarés". Côté particuliers, le député évalue, sans justifier son calcul, la fraude à 1 % des allocataires. La Cour des comptes évoque plutôt le chiffre de 0,77 % pour 2008, tout en reconnaissant qu'il est à prendre avec précaution. Tant sur les taux que sur les montants, ce sont donc bien les entreprises qui se révèlent les plus concernées par la fraude.


Peu de mesures de lutte à destination des entreprises. Pourtant, les propositions formulées par le rapport Tian se concentrent essentiellement sur les particuliers. Le député évoque ainsi la mise en place d'une carte vitale biométrique, la diminution des téléprocédures pour rétablir le face-à-face lors de la constitution de dossiers ou encore le contrôle accru des arrêts maladie avec contre-visites à domicile à l'initiative de l'employeur. Pour les entreprises, il se penche essentiellement sur le travail au noir, avec une procédure de "flagrance sociale" ou la création d'un fichier des dirigeants ayant fait l'objet d'une condamnation leur interdisant de gérer une société.


Des fraudes qui n'ont pas la même ampleur . Dans un rapport daté de septembre 2010 et consacré à la fraude, la Cour des comptes évoquait le cas particulier de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), qui a fait l'objet, en 2009, d'une évaluation précise à partir d'un échantillon de 10 000 dossiers. La fraude aux prestations atteindrait, d'après cette étude, 675 millions d'euros par an. Mais elle touche de manière très inégale les différentes prestations : la Cour évalue ainsi à 0,46 % des allocataires la fraude aux allocations familiales, à 0,24 % la fraude à la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). L'allocation parent isolé (API) ou le revenu de solidarité active (RSA) afficheraient des taux plus importants, de l'ordre respectivement de 3,1 % et 3,6 %. Qu'on peut là encore rapporter aux 10 % à 12 % estimés d'entreprises fraudeuses.


La récupération  des sommes non mentionnée. Le rapport de M. Tian parle des manques à gagner dus à la fraude mais fait l'impasse sur un point pourtant essentiel : la récupération de ces sommes. Dans son rapport de 2010, la Cour des comptes précise ainsi que pour la CNAF, le montant de 675 millions d'euros de fraude est à relativiser : une "part importante de ces montants (...) aurait été détectée et les indus correspondants récupérés pour la plus grande part. Le préjudice financier final lié aux fraudes serait donc plus limité, de l'ordre de 170 millions d'euros"
Le président de la CNAF, Jean-Louis Deroussen, avait pris position en avril 2010 sur la question, expliquant que ses services récupéraient "quasiment 90 %" des montants des fraudes. De fait, les efforts de la majorité sur ces questions de "triche" ont conduit à une augmentation des détections et donc des sommes récupérées : 458 millions pour 2010, selon Xavier Bertrand, le ministre du travail.

 

Fraudes ou erreurs ? Autre question, celle de l'intentionnalité des fraudes : à partir de quand peut-on parler d'une volonté délibérée de toucher une allocation indue plutôt que d'une mauvaise déclaration ou d'un changement de statut envoyé en retard ? La question est difficile à trancher. Sur 60 milliards de prestations versées en 2009, le président de la CNAF estimait que la fraude délibérée représentait "environ 80 millions d'euros", soit 0,13 % du total.

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