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Brésil : 35 millions de pauvres en moins

Publié le par Daniel Sario

Brésil : 35 millions de pauvres en moins

À l’heure où les Brésiliens doivent voter, quel bilan tirer des 12 ans de présidence de Lula et de Rousseff ? Même si de fortes inégalités demeurent, 35 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté depuis 2002. Mais les grands propriétaires et les classes aisées continuent de mener la danse. Par Emilie Denètre

Depuis 11 ans, le gouvernement aide les plus pauvres à acquérir un logement salubre et habitable. L a Bolsa Familia ou la bourse des familles. Cette aide financière, attribuée aux plus pauvres à l’unique condition qu’ils envoient leurs enfants à l’école, est sans doute la mesure la plus emblématique du «lulisme», dont Dilma Rousseff est la continuatrice. Elle est surtout sa plus grande réussite. «Environ 35 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté grâce à la Bolsa Familia», détaille Christophe Ventura, de Mémoire des luttes. La politique menée par le Parti des travailleurs (PT), basée sur la redistribution des richesses, a également permis l’émergence d’autres programmes sociaux, comme celui appelé Minha Casa, minha Vida (ma maison, ma vie) pour soutenir l’accès à la propriété des ménages pauvres et modestes. Un succès. «Par ailleurs, depuis 2002, il y a eu 20 millions d’emplois créés et une augmentation du salaire minimum de 75 %», explique José Reinaldo Carvalho, secrétaire pour les questions internationales du Parti communiste brésilien (PCdoB). Les infrastructures, la santé, l’éducation ont également bénéficié d’un joli coup de pouce, ces douze dernières années, même si, selon Christophe Ventura, «on peut aujourd’hui constater un tassement de ces investissements publics». La crise mondiale de 2008 a en effet porté un sérieux coup de frein au «décollage» économique du Brésil. Le modèle du pays, tourné quasi exclusivement vers les exportations de matières premières agricoles (soja, canne à sucre, viande, etc.), a eu du mal à résister au ralentissement généralisé des places mondiales. Caracolant encore en 2010 à 7,5 %, la croissance du Brésil est ainsi brutalement retombée à 0,9 % en 2014. Les années de pouvoir de Dilma Rousseff coïncident donc avec la fin de cet âge d’or économique et avec la gestion des frustrations que cela peut engendrer chez une population très endettée.

Poser la question cruciale de la propriété de la terre. «Les problèmes existent et créent un mécontentement diffus, y compris chez ceux qui ont bénéficié des politiques sociales, concède José Reinaldo Carvalho. Il y a toujours le désir légitime de vouloir plus et mieux.» Car, au Brésil, les inégalités demeurent très fortes. Aujourd’hui, les 20 % les plus riches détiennent 55,1 % du revenu national, les 20 % les plus pauvres n’en captant que 4,5 % ! «C’est vrai que Lula et Dilma Rousseff n’ont pas réussi à modifier structurellement la société brésilienne et ses équilibres économiques, explique Christophe Ventura. La question cruciale de la propriété de la terre, par exemple, n’a pas été abordée par le PT. La concentration des terres entre les mains de grands propriétaires s’est accrue, leur poids et leur pouvoir se sont même renforcés.» À cela, deux raisons : au nom d’un «pacte» passé avec eux par Lula – «Faites du business, produisez de la richesse, on redistribue» – et puis, également, au regard de l’impossibilité concrète pour le PT de gouverner sans ces agrobusinessmen qui ont des relais directs au Congrès. Dans un pays où tout s’achète, surtout les voix des parlementaires, ils sont ainsi parvenus à faire échouer le vaste projet de réforme politique, voulue par Dilma Rousseff, en réponse aux manifestations de mécontentement du printemps 2013. Des oligarques qui soutiennent d’ailleurs financièrement la campagne de la candidate écologiste Marina Silva, certains qu’elle défendra au mieux leurs intérêts.

Des alliances sud-sud. Enfin, ces années Lula-Rousseff marquent aussi l’émergence du Brésil sur la scène régionale et internationale. Pariant sur la dynamique des relations Sud-Sud, le Brésil s’est investi au sein d’organisations régionales comme l’UNASUR ou le CELAC et n’a pas hésité à soutenir les forces progressistes des autres pays d’Amérique latine, comme au Venezuela ou en Équateur. Débarrassé de la tutelle des États-Unis, le pays est également devenu un acteur incontournable au sein du cercle des pays émergents, les BRICS, qui ambitionnent d’ailleurs de créer leur propre banque de développement. Le Brésil a désormais de la voix... raison de plus pour que les États-Unis souhaitent que le pays revienne dans son giron.

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